LUTTE AUX
VIOLENCES SEXUELLES DANS LES FORCES CANADIENNES:
CINQ CHANTIERS À
SURVEILLER
1- Vers une réforme des cours martiales?
Un examen en profondeur du système des cours martiales
a démarré en juillet dernier, étude qui porte entre
autres sur la gestion des infractions sexuelles.
C’est une introspection inhabituelle pour un appareil
judiciaire que l’armée a toujours défendu bec et ongles
et ce,
jusqu’en Cour suprême. L’institution a jusqu’à
présent refusé de remettre en question son pouvoir de
traduire elle-même en justice les soldats accusés de
crimes sexuels, malgré les critiques
nourries dont ce système fait l’objet.
Un comité composé de quatre avocats militaires, dont
une femme, a pour mission de passer en revue « tous
les aspects » des cours martiales afin d’améliorer
« l’efficacité, l’efficience et la légitimité du
système ». L’équipe mènera sous peu des
consultations publiques et sollicitera l’avis d’experts
canadiens et étrangers. Elle remettra son rapport au
plus tard en juillet 2017 au Juge-avocat général, le
grand responsable de la justice militaire.
En ce qui concerne les infractions d’ordre sexuel, le
comité se demandera s’il faut les mettre à jour ou en
ajouter de nouvelles au répertoire de la justice
militaire; il évaluera les règles en matière de
détermination de la peine; et il envisagera des mesures
pour mieux protéger les intérêts des victimes. Le comité
devra aussi s’assurer que ses recommandations
s’harmonisent avec les exigences de l’Opération Honour.
Reste à voir s’il osera bousculer l’ordre établi.
2- Bientôt plus de rigueur dans les enquêtes et les
accusations
La police militaire prend des mesures pour introduire
plus de rigueur dans ses enquêtes et ainsi laisser moins
de décisions à la discrétion des policiers – dont la
juge Deschamps avait décrié, dans son rapport,
l’incompétence et l’insensibilité.
Toutes les enquêtes sur des crimes sexuels seront
désormais confiées à des enquêteurs dédiés aux
infractions de cette nature, et ce, peu importe la
gravité des allégations. Dix-huit postes d’enquêteurs
spécialisés viennent d’être créés à cette fin dans
l’ensemble du pays. Les inconduites sexuelles devront
aussi être traitées en priorité, tant dans les enquêtes
qu’au moment des audiences devant un tribunal militaire.
Autre nouveauté, les enquêteurs devront obtenir l’accord
d’un procureur militaire avant de renoncer à porter des
accusations dans un dossier d’agression sexuelle, une
décision qu’ils pouvaient auparavant prendre
unilatéralement.
Quant aux procureurs, ordre leur a été donné de tenir
compte du point de vue des victimes tout au long des
procédures, y compris pour décider dans quel système
judiciaire, militaire ou civil, l’affaire sera entendue.
3- Soutien aux victimes : enfin du nouveau?
Un programme d’aide exclusivement destiné aux
militaires souffrant d’un traumatisme sexuel devrait
voir le jour d’ici six mois. Ce nouveau service
reprendra le modèle de « soutien par les
pairs » qui existe déjà pour les soldats souffrant
d’un traumatisme de guerre : c’est-à-dire des
rencontres de groupes animées bénévolement par des
militaires actifs ou retraités ayant vécu une épreuve
semblable. Jusqu’à présent, le Centre
d’intervention sur l’inconduite sexuelle, une
ligne d’écoute et de référence créée l’an dernier,
devait se contenter de diriger les appelants vers les
ressources existantes, mais n’avait pas de nouveau
programme à offrir.
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