"Dossier: c:\François\min.que5.

                                                                                François Lareau, LL.M.
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                                                                                 Ottawa, le 20 février 1999

Ministère de la Justice et Procureur général du Québec
Mme la Ministre Linda Goupil
1200, route de l'Église, 9e étage
Ste-Foy, QC,  G1V 4M1
 

Objet: Réforme de la Partie générale du Code Criminel
 

Madame,
 

           Je vous écris au sujet d'une réforme intégrale de la Partie générale de notre Code criminel.   J'aimerai vous aviser du résultat d'une partie de ma correspondance, soit celle avec les territoires et certaines provinces.  Je vous informerai aussi de d'autres développements concernant la politique criminelle sur la Partie générale.

Conclusion sur la correspondance

         Une des conclusions de cette correspondance, c'est le bénéfice que les ministres de la justice à travers le Canada pourraient acquérir en assistant à une conférence sur la réforme du droit pénal de fond (par opposition au droit pénal sur la procédure).  Une telle conférence pourrait être organisée par le gouvernement fédéral vue sa juridiction sur la matière.  Pendant une journée ou deux, les ministres pourraient discuter librement et sans être dans une camisole de force avec un  un agenda souvent trop chargé, de points importants tels que :

Les points de discussion
 

 - Les objectifs finaux de la réforme du droit pénal de fond.  Par exemple, une nouvelle Partie générale (les principes de base, les moyens de défense et les peines du Code criminel) et une Partie spéciale moderne (les crimes du Code criminel) sont-elles une priorité?   Si non, pourquoi?  Les provinces pourraient-elles épargner des sommes d'argent importantes dans leur administration de la justice en ayant une telle simplification de la loi pénale fédérale?  Comment peut-on réviser les crimes de la Partie spéciale d'une façon rationnelle sans avoir pour ceux-ci des dispositions communes provenant d'une  Partie Générale ayant des dispositions, par exemple, sur  l'intention et la négligence?  Peut-il y avoir un Code criminel moderne sans une nouvelle Partie générale?  Je soumets que non.
 - La composition d'une Partie générale moderne.  Les ministres savent-ils vraiment ce qu'une Partie générale ressemble à?  Par exemple, avez-vous déjà vu la Partie générale du Code pénal allemand de 1975 considérée  par les théoriciens du droit et les légistes comme une très grande réussite?  Une photo vaut dix mille mots!  Les ministres ont-ils été mis au courant de la nouvelle Partie générale éclectique de l'État d'Israël?  Un jour, je fus surpris d'apprendre que les grands peintres comme Gauguin passaient des journées entières dans des musées à étudier les grands oeuvres de peintres?  Pourquoi?  Simplement pour apprendre!
 - Quel est le processus pour déterminer les priorités de la réforme du droit pénal?  Le présent projet fédéral les «Crimes contre les animaux» est-il plus important qu'un projet possible de «Crimes contre la personne?"  Un tel projet couvrirait le droit sur l'homicide et son inséparable disposition sur la provocation.  Il m'est impossible de comprendre comment le ministère fédéral de la justice peut actuellement réviser le droit sur la provocation sans en même temps discuter à fond dans son document de consultation de l'homicide et de ses peines afférentes.  Doit-on y voir un  miracle?   Non,   seulement le résultat d'une petite politique de révision à la pièce, une approche non scientifique à la réforme du droit et une procédure de révision qui a grandement besoin d'être démocratisée.
 - Enfin, quel est l'apport que les citoyens et les avocats peuvent faire pour fixer les priorités du Ministère de la Justice du Canada?  Cette contribution est-elle satisfaisante?  Jusqu'à quel point les consultations effectuées avec les citoyens (y compris les avocats ) et les barreaux des provinces  sont-elles prises en considération par les autorités fédérales?  À mon avis, la ministre de la Justice devrait rendre public le résultat de ses consultations sur son site Web.   Qu'en pensez-vous?   Il est important de le dire au ministre fédéral.  .  Le processus de consultation avec les provinces est-il trop encombrant et lourd?  Y a-t-il une trop grande duplication d'efforts aux divers niveaux de sa bureaucratie?  Les quatre paliers de rencontre et de discussion gouvernementale : groupe de travail, comité de coordination des fonctionnaires de niveau supérieur, sous-ministres et ministres sont-ils tous nécessaires?  Perd-on trop de temps à écrire des notes pour mettre les diverses autorités et paliers au courant des développements?   À quand remonte la dernière révision de la procédure de consultation?  Les ministres et les sous-ministres aimeraient-ils voir la procédure simplifiée?
 - Il existe plusieurs problèmes touchant la Partie générale du Code criminel.  Je ne citerai que quelques exemples: le droit sur la mens rea descriptive (la négligence pénale etc.); l'article 17 du Code criminel sur la contrainte;  l'article 13 sur l'âge de la responsabilité pénale des enfants (l'Ontario ne veut-il pas changer cet âge?); l'article 43 du Code criminel sur la discipline des enfants (vous connaissez  l'avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, «Le châtiment corporel comme moyen de corriger les enfants»); enfin certaines dispositions sur les peines ont besoin d'être précisées.    Évidemment, il ne faut pas oublier la légitime défense!  Est-il logique et profitable de travailler sur tous ces problèmes d'une façon disparate?    N'y a-t-il pas lieu d'avoir une rationalisation de l'approche?    À mon avis, de l'avis des ministres de la justice fédérale précédents, et de la plupart des juristes,  la réponse est oui!    Quelle est votre propre avis?  Pourquoi ne pas dire publiquement qu'une réforme intégrale de la Partie générale, suivie de celle de la Partie spéciale est non seulement nécessaire mais la seule solution logique?
 - Quel raisonnement juridique  l'hon. Anne McLellan se sert-elle pour tirer la conclusion que les réformes de base concernant le système de justice criminel seront complétées en 1989?  Voici ce qu'elle a dit récemment :
 «[...] when the long-awaited amendments to the Young Offenders Act are introduced and passed this year, along with a planned overhaul of criminal procedure later in 1999, ‘much of the major infrastructure of the criminal justice system will have been reformed and will be in operation,' McLellan observed.» [Cristin Schmitz, «Justice Minister plans re-balance»,  The Lawyers Weekly, 29 janvier 1999, p. 2]


          Doit-on comprendre par une seule phrase que plus de 20 ans de travaux, de recherches et d'efforts seront mis de côté sans discussion publique et sans explication?   Non,  je ne resterai pas muet devant une telle abnégation de responsabilité envers la population!
 

Section nationale de droit pénal de l'Association du barreau canadien

           En novembre 1998, la section nationale de droit pénal de l'Association du barreau canadien  présentait à l'hon. McLellan son «Mémoire à propos de la Réforme des moyens de défense visés par le Code criminel» (son mémoire sur le document de consultation fédéral portant sur la légitime défense et la provocation).   Dans cette étude soumise à l'hon. McLellan, la section nationale de droit pénal a critiqué  la politique à la pièce de législation sur la Partie générale :
 

«La Section nationale de droit pénal est absolument convaincue que l'on ne peut procéder à une réforme de la Partie générale du Code criminel que de façon globale et selon des principes directeurs.  Le Document de consultation ne s'attarde que sur les moyens de défense qu'il projette de modifier, et ce, en occultant le plus vaste problème que constitue la recodification intégrale de la Partie générale.  Nous craignons que ce type d'approche fragmentaire soit une source de problèmes.  En effet, cela ne ferait que perpétuer le caractère archaïque, les lacunes, la mauvaise organisation et la complexité du Code criminel.   Des modifications partielles saperont les efforts déployés en vue d'inciter le gouvernement fédéral à entreprendre une réforme intégrale.  Ceci dit, la Section nationale de droit pénal a appris qu'il n'était pas dans l'intention du gouvernement de procéder à cette réforme complète de la Partie générale à l'heure actuelle.  Il faut donc interpréter notre analyse des propositions de réforme des moyens de défense prévus au Code criminel dans l'optique de notre préférence pour une réforme complète.»
Barreau du Québec
 

          On m'a informé dernièrement que le Barreau du Québec préparait un mémoire sur ce même document de consultation.  J'ose croire que le comité aura également des commentaires à faire sur l'approche fragmentaire du ministère fédéral.   Je vous ai déjà fait parvenir une lettre du 7 octobre 1998 du bâtonnier Jacques Fournier (je joins une copie de cette lettre ainsi qu'une autre du Barrreau du Québec du 31 août 1998 et de ma lettre du 11 août 1998).

La position du Québec telle que dite par l'Ontario

           Vos conseillers et vous sont-ils de l'opinion qu'une législation fragmentaire sur la Partie générale est dans les meilleurs intérêts de votre ministère et des citoyens du Québec?  Je joins une copie de deux lettres du Ministère du Procureur général de l'Ontario du 2 novembre 1998 et du 27 janvier 1999 en réponse à mes lettres du 12 août et du 9 novembre 1998 que je joins également.  L'Ontario dans ces deux lettres dit que le Québec est d'accord qu'une révision intégrale de «toute» la Partie générale n'est ni cruciale et ni nécessaire :
 

«In recent years, it has been the consensus of the provinces that a comprehensive review of the entire General Part of the Criminal Code is not crucial.  Rather, certain sections of the General Part continue to be examined for reform as they arise on a priority basis.  I anticipate that the necessity for a comprehensive review of the General Part will be considered from time to time in the future.» [lettre du 2 novembre 1998]
«The Attorneys General across Canada arrived at the consensus that certain sections of the General Part of the Code would continue to be examined for reform as they arose on a priority basis rather than examining the entire General Part.  It is anticipated  that the necessity for a comprehensive review of the General Part will be considered from time to time in the future.» [lettre du 27 janvier 1999 à Francois Lareau].


Site Web sur la Partie générale

        J'ai créé  à «http://www.achilees.net/~flareau», un site web avec l'article en voie de développement «Chronology - Towards a Modern General Part of a New Canadian Criminal Code».   J'espère que ce site et mes autres pages sur la Partie générale seront une modeste contribution à la recherche de base et souligneront l'importance de ce sujet de droit.  J'ai mis le texte d'une partie de ma correspondance avec votre ministre à mon site.  Malheureusement, et pour une raison que j'ignore, votre prédécesseur avait décidé, sans doute à cause de son fardeau de travail, de ne pas donner suite à mes lettres.   Aurais-je dû mentionner que j'étais avocat et membre en règle du Barreau du Québec afin de m'assurer d'une réponse officielle du ministre de la Justice du Québec?

Méthodologie pour une Partie générale

          J'ai récemment informé, Me Morris Rosenberg, le sous-ministre fédéral de la justice (celui- ci ayant reçu une copie d'une de mes lettres) que:  «maybe a small group of professors should get together and draft a General Part.  You may recall that such action was taken in Germany (Alternative Draft of a Penal Code for the Federal Republic of Germany) and in England (Codification of the Criminal Law - A Report to the Law Commission).»  Sans être un professeur de droit, j'essaie tout de même d'injecter un peu de vie et de dynamisme dans ce domaine du droit.  Avez-vous un avis sur cette suggestion ou sur la meilleure méthodologie pour une réforme intégrale de la Partie générale?  Les autorités fédérale devraient puiser dans l'expérience que le  Québec a eue avec sa récente codification du droit civile.  Un tel partage a-t-il été fait?    Vous vous souviendrez qu'en janvier 1994, le Barreau canadien dans son Mémoire au Ministre de la Justice sur la proposition de modification du Code criminel (principes généraux) avait recommandé que «le ministre de la Justice mette sur pied un groupe de travail composé de membres de la Magistrature, du Barreau et du ministère de la Justice et chargé de rédiger une nouvelle Partie générale du Code criminel».
 

           Il me semble que le message est clair, il faut trouver d'autres  approches!   À mon avis, une nouvelle Partie générale ne peut être rédigée avec succès que par une petite équipe, environ trois membres au maximum.  La ministre, l'honorable Anne McLellan, n'a même pas daigné d'expliquer à une tribune publique pourquoi son ministère avait décidé d'abandonner l'effort entrepris pour une recodification intégrale de la Partie générale.   Celle-ci n'a même pas dit si elle considère la Proposition de modification du Code criminel (principes généraux) de 1983 comme un échec.

Concept du droit et une loi pour la population en général

          Mais qu'est devenue cette ouverture d'esprit que l'on doit avoir pour faire  progresser le droit!    L'étude du droit est devenue de plus en plus pratique et de moins en moins théorique.  Il faut allier les deux!  Chaque année, au fédéral, on se vante d'avoir un gros projet de loi omnibus à style correctif sur le Code criminel.  C'est à croire que le droit ne peut être que correctif et non progressif.  Avec cette approche à tâtonnements,  il va falloir attendre un autre cent ans pour que la Cour suprême du Canada nous donne quelques indices pour la rédaction de la Partie générale.

          Notre Code criminel ressemble de plus en plus à la Loi sur l'impôt, à un vieux char usagé que l'on emmène chaque année au garage parlementaire afin de le rafistoler.   Les experts, au lieu de passer du temps à simplifier et à synthétiser le droit, écrivent des traités pratiques sur les complexités du droit qu'ils adorent ensuite discuter lors de conférences savantes!   Il faut avant tout se rappeler pour qui un Code pénal est rédigé.  Comme l'écrivait le professeur Fitzgerald :
 

«Who are the criminal code's intended readers?  The people governed by it - the public as Bentham thought?  Those who have to administer and explain it - the legal profession and the agencies of justice - as lawyers tend to think?  Those surveying its logic, coherence, and systematization - jurists and legal scientists?  Or since codes start life as bills, those who are asked to enact it - the legislators?   Or,  finally, some combination of the above?
 Surely Bentham was right.  A country's law belongs not to its nation's judges, its lawyers, or its politicians but to all its inhabitants and citizens.  The latter are surely the prime addressees of codes, statutes, and other legislation.  This conclusion follows from the basic values and concepts of the common law itself. [...]» ... [«Codes and Codifications: Interpretation, Structure, and Arrangement of Codes», (1990) 2 Criminal Law Forum 127-143 aux pp. 129-130].

 

Politique du Québec
 

          Puis-je demander si le Québec a développé une politique sur la réforme du droit de fond pour le Code criminel?  Par exemple, quels sont les objectifs recherchés du Québec dans sa politique de droit pénal afin qu'elle puisse conseiller adéquatement l'honorable McLellan?  J'aimerai bien, pour être franc, placer cette politique sur mon site web, ce serait magnifique pour le débat public, les juristes, les citoyens et le droit!  Mieux encore, une telle politique pourrait être transmise au Journal du Barreau pour publication!  Une telle initiative nous ferait connaître une réflexion sur le droit et ses fins.
 

La participation du Québec aux consultations

          Dans ma lettre du 10 août 1998, j'écrivais «Serait-il possible de savoir si votre ministère a soumis un mémoire sur le document Proposition de modification du Code criminel (principes généraux) de juin 1993 ou sur les documents de novembre et décembre 1994?  Dans l'affirmative, serait-il possible d'en obtenir une copie?»  Je n'ai pas reçu de réponse à ce sujet.  J'ai déjà reçu des réponses de d'autres ministres et officiels sur cette question.  Votre réponse est importante pour la recherche en cours afin de déterminer le degré de participation au processus de consultation en place actuellement.  Pourriez-vous demander à vos officiels de regarder ce point et de me donner une réponse aussitôt que possible?  J'aimerai compléter cette recherche après six mois!   Merci.

          Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes sentiments les plus distingués.

                                                                             [signature]
                                                                             Francois Lareau

copie:  - L'honorable Anne McLellan, Ministre de la Justice
           - M. Morris Rosenberg, sous-ministre de la Justice
          -  M. Jacques Fournier, le bâtonnier du Québec
           - L'honorable Charles Harnick, Procureur général"